Les institutions catholiques d’enseignement secondaire en France (XIXe – XXIe siècles) - compte-rendu

Les 13 et 14 juin 2019 s’est tenu à Ploërmel un colloque sur les institutions catholiques d’enseignement secondaire en France sur une période courant du XIXe au XXIe siècle. Riche, il donnera, selon toute vraisemblance, lieu à publications d’actes, et est le fruit d’une heureuse initiative du Centre de recherche bretonne et celtique de l’Université de Bretagne occidentale, à Brest, et de l’équipe d’accueil Tempora de l’Université Rennes 2. Le lieu pour organiser ce colloque n’est assurément pas choisi au hasard. Ploërmel, sorte de capitale de l’enseignement catholique pour reprendre une formule de l’historien Fabrice Bouthillon, est un véritable bastion à l’échelle bretonne mais aussi, plus largement, française.

Carte postale. Musée de Bretagne: 970.0049.11344.Ajoutons de surcroît que cette manifestation s’inscrit dans une forte dimension commémorative, celle des 60 ans de la loi Debré mais aussi du bicentenaire des Frères de l’instruction chrétienne. Pour autant, c’est bien l’émergence depuis quelques décennies de nouvelles sources – on pense notamment aux fonds Félicité de Lamennais rapatriés de Moscou et utilisés notamment par Estelle Berthereau – qui justifient la tenue de ce colloque.

Pluridisciplinaire, cette rencontre associe historiens bien entendu mais également sociologues, théologiens et politistes ainsi que des chercheurs en sciences de l’éducation. S’intéressant, dans une perspective recourant d’ailleurs pour une large part à l’analyse géographique, aux mutations de l’enseignement catholique secondaire en France de 1806,  date de la création de l’Université, à 1959, moment de l’instauration des contrats d’association liant les établissements à l’Etat, Samuel Gicquel rappelle que le nombre est ici chose essentielle. En effet, les différents recensements menés au cours de la période – comme en 1898 par exemple – permettent de photographier le rapport de forces opposant institutions catholiques et laïques d’enseignement. A l’échelle des établissements, la taille et le nombre d’élèves accueillis révèle l’excellence et, pour le formuler autrement, l’ambition des stratégies éducatives. D’ailleurs, dans le détail des archives, la frontière n’est pas toujours très nette entre ces différents établissements et les généalogies peuvent parfois être complexes, un même collège passant d’une congrégation à une autre. Il n’en demeure pas moins que les dynamiques sont réelles, notamment en ce qui concerne l’enseignement des jeunes filles. Le nord de la France, l’Ouest et la Bretagne mais aussi le Pays basque constituent autant de places fortes, qui recoupent d’ailleurs peu ou prou les zones de fortes pratiques religieuses. Mais la foi ne fait pas tout et Samuel Gicquel expose que l’enseignement catholique a aussi pour intérêt de combler le maillage des institutions publiques, notamment en milieu rural.

Pluridisciplinaire, cette rencontre associe historiens bien entendu mais également sociologues, théologiens et politistes ainsi que des chercheurs en sciences de l’éducation. S’intéressant, dans une perspective recourant d’ailleurs pour une large part à l’analyse géographique, aux mutations de l’enseignement catholique secondaire en France de 1806,  date de la création de l’Université, à 1959, moment de l’instauration des contrats d’association liant les établissements à l’Etat, Samuel Gicquel rappelle que le nombre est ici chose essentielle. En effet, les différents recensements menés au cours de la période – comme en 1898 par exemple – permettent de photographier le rapport de forces opposant institutions catholiques et laïques d’enseignement. A l’échelle des établissements, la taille et le nombre d’élèves accueillis révèle l’excellence et, pour le formuler autrement, l’ambition des stratégies éducatives. D’ailleurs, dans le détail des archives, la frontière n’est pas toujours très nette entre ces différents établissements et les généalogies peuvent parfois être complexes, un même collège passant d’une congrégation à une autre. Il n’en demeure pas moins que les dynamiques sont réelles, notamment en ce qui concerne l’enseignement des jeunes filles. Le nord de la France, l’Ouest et la Bretagne mais aussi le Pays basque constituent autant de places fortes, qui recoupent d’ailleurs peu ou prou les zones de fortes pratiques religieuses. Mais la foi ne fait pas tout et Samuel Gicquel expose que l’enseignement catholique a aussi pour intérêt de combler le maillage des institutions publiques, notamment en milieu rural.

Bruno Poucet rappelle d’ailleurs que cette grille de lecture ne néglige pas la réciprocité. Ainsi au début du XXe siècle, si l’Eglise interdit aux enfants catholiques de fréquenter l’école laïque, elle concède néanmoins une notable exception : si dans un territoire donné il n’y a pas d’institution catholique secondaire d’enseignement, alors la fréquentation d’un collège ou d’un lycée public est autorisée. La question scolaire étant sensible, les discours portent volontiers une parole que l’on peut pourrait qualifier de monopolistique. Mais la réalité de la politique est, de part et d’autre, plus nuancée et sans doute s’inscrit-elle, d’une certaine manière, dans le flou de la notion de « caractère propre » forgée en 1959 par Michel Debré. C’est en cela que cette loi instaure une nouvelle culture, celle de « service public concédé ».

Elèves posant sur le grand escalier du lycée Saint-Vincent de Rennes, juin 1953. Musée de Bretagne : 82.0008.3498.2Le singulier de l’expression « enseignement catholique » ne doit pas donc tromper tant, en réalité, les approches et les expériences éducatives sont différentes. Les ménaisiens étudiés par Estelle Berthereau ne poursuivent pas exactement les mêmes projets apostoliques que les jésuites ou les dominicains abordés par Marie-Thérèse Duffau et Tangui Cavalin, même si des passerelles peuvent exister, notamment autour de la figure de Jean-Marie de Lamennais. D’ailleurs, cet historien montre bien, à partir de l’exemple de la mémoire du père Henri Lacordaire au sein de la congrégation enseignante dominicaine de Sorèze, dans le Tarn, combien le temps peut diluer les oppositions et rendre les schismes du passé peu compréhensibles. Aussi s’agit-il d’une histoire qui doit être considérée dans le mouvement. Le concile Vatican II constitue ainsi une réelle césure, bien mise en évidence par Joël Molinario. Philippe Rocher souligne pour sa part que la pédagogie délivrée par les jésuites n’est pas gravée dans le marbre et qu’elle évolue avec, tout particulièrement, une montée en puissance des sciences et des langues étrangères. Sans doute faut-il du reste y voir la volonté de s’adapter aux exigences des familles bourgeoises qui envoient leurs rejetons dans ces établissements dirigés par la Compagnie de Jésus. Revenant sur la personne du père Henri Didon, Yvon Tranvouez montre bien combien ces considérations de clientèle sont importantes, les institutions catholiques d’enseignements secondaires devant équilibrer leur comptes et faire le plein d’élèves.

Car ces établissements scolaires ne sont pas que des lieux d’apprentissage et d’éducation. La classe est aussi le moment de la fabrique de réseaux tissant une sociabilité et un attachement souvent fort des anciens élèves. En témoignent les nombreux Livres d’or publiés à l’occasion des deux guerres mondiales pour encenser les morts pour la France, et attester de ce que l’on a « bien fait son devoir ». Dans la même veine, Frédéric Le Moigne dresse le portrait de Georges Grente qui, bien que fait évêque, ne parvient jamais à réellement quitter le collège de son enfance.

En réalité, les institutions catholiques d’enseignements secondaires sont à la base de tout un écosystème où les maisons d’éditions de manuels scolaires, pour ne citer qu’elles, jouent un rôle important. Ajoutons également que pour un territoire, un tel établissement est aussi un acteur économique et social important – et l’on pense ici à certains parallèles dressés récemment par l’historien Philippe Diest à propos des casernes construites à la suite de la défaite de 1870 pour accueillir « l’armée nouvelle ». L’interaction avec l’environnement est essentielle et le sociologue Guillaume Dupuy montre bien que la plus ou moins grande affirmation religieuse d’une institution catholique secondaire d’enseignement est fonction de la concurrence locale (établissement publics et privés sous contrat mais également hors-contrat). Yves Verneuil démontre qu’il en est de même en ce qui concerne la mixité, plus ou moins rapidement adoptée à partir des années 1960. Là encore, tout est question d’opportunisme commercial et, serait-on tenté d’affirmer, de positionnement marketing.

Sans doute est-ce cette réalité qui permet d’expliquer l’évolution du quotidien de la classe. Au XIXe siècle, la vie des élèves est le plus souvent régie par un rythme aussi strictement défini que contraignant. Amélie Puche décrit ainsi l’austérité des jeunes tourangelles scolarisées dans les établissements scolaires : silence obligatoire, uniforme recouvrant presque la totalité du corps, soucis permanent du respect de la morale et de la « bonne conduite »… L’enseignement révèle une forte perpétuation des logiques de genre, les jeunes filles étant formées à être de futures mères. Aussi les matières littéraires sont-elles privilégiées. Dans les institutions de garçons, avant la Grande Guerre,  la cigarette – pourtant accessoire indissociable d’une certaine virilité – est sévèrement combattue, puis tolérée dans les années 1920-1930 et plus encore après la Libération. Des espaces de respiration existent toutefois et la récréation est le moment de jeux libres. De même, la pratique du sport est encouragée, même si certains freins peuvent ça-et-là être observés.

Elèves de cinquième du collège Saint-Vincent de Rennes. Musée de Bretagne: Elèves posant sur le grand escalier du lycée Saint-Vincent de Rennes, juin 1953. Musée de Bretagne : 82.0008.3498.2.Particulièrement stimulants, les intervenants de cette belle manifestation ont avantageusement contribué à renforcer notre compréhension d’un objet, l’enseignement catholique secondaire, dont on sait la prégnance en Bretagne. En 1962, ces institutions privées accueillent par exemple 48% des élèves. Reste que malgré la richesse des communications proposées, ce colloque est loin d’avoir fait le tour de ce vaste sujet, ce dont les organisateurs sont par ailleurs pleinement conscients. Samuel Gicquel note par exemple que l’enseignement professionnel et agricole catholique demeure un terrain quasiment vierge et encore à défricher. On pourrait également se poser la question des motivations qui poussent les familles à placer leurs enfants dans ces institutions catholiques d’enseignement secondaire. Si, à n’en pas douter, le poids de religion est réel, de même que celui d’une certaine forme de perpétuation générationnelle, qu’en est-il des stratégies, notamment en ce qui concerne les classes préparatoires aux grandes écoles (on pense par exemple, à Rennes, à Saint-Vincent et à ses cours préparant à Saint-Cyr) ?

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Proposé par : Bretagne Culture Diversité